« ... Dans le tumulte de l'heure de pointe, c'était son moi idéal qu'elle entendait, la pianiste qu'elle ne deviendrait jamais, interprétant sans fausse note la Partita n° 2 de Bach.
Il avait plu presque chaque jour de l'été, les arbres du quartier semblaient avoir enflé, leur feuillage s'être étoffé, les trottoirs étaient lessivés et lisses, les voitures du concessionnaire de High Holbron impeccables. La dernière fois qu'elle l'avait vue, la Tamise à marée haute enflait elle aussi, d'un brun plus foncé tandis qu'elle montait, maussade et rebelle, à l'assaut des piles de ponts, prête à envahir les rues. Mais tout le monde poursuivait sa route bon gré mal gré, déterminé, trempé. Le jet-stream déréglé, poussé vers le sud par des facteurs incontrôlables, bloquait la douceur estivale en provenance des Açores, attirait l'air glacial du Nord. Conséquence du changement climatique causé par l'homme, des perturbations provoquées dans les couches supérieures de l'atmosphère par la fonte des calottes glaciaires, ou d'une suractivité des taches solaires qui n'était la faute de personne, ou encore des variations naturelles, des cycles récurrents, du destin de la planète. Ou bien de ces trois facteurs à la fois, ou seulement deux. Mais à quoi bon se perdre en explications et en théories si tôt le matin ? Fiona et le reste de Londres avaient du pain sur la planche. »
Ian McEwan, L'intérêt de l'enfant, Éditions Gallimard 2015, p 54/55.
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