mardi 17 janvier 2012

carnet 27

             Déraciné

    Il passe le trépassé le déraciné le mis à l'eau porté par le courant se glissant en silence flottant se coulant bras ballant bras tombant l'immense cimier en poupe effet de broussaille en désordre  de chevelu mal coiffé mal brossé un dérisoire toupet à l'arrière en guise de gouvernail à peine un léger clapotis à son flanc de noyé couché vaincu abattu ne tutoyant plus ni le ciel ni le vent

   Il passe le trépassé le déraciné je le regarde et le salue du bord l'accompagne un instant en sa fuite ultime 

     Un oiseau - un corbeau - perché à l'avant le pilote et le conduit au port


samedi 7 janvier 2012

Carnet 27

Tout ce temps

J'ai mis tout ce temps
pour arriver jusqu'à toi
ma délivrance ma déshérence
au point de non retour

J'ai mis tout ce temps
et ne me dites pas
que la route fut longue et belle

J'ai mis tout ce temps
rien que pour en dessiner le fil
et tenir la droite
avec ses fulgurances ses faux-semblants et ses faux-pas

J'ai mis tout ce temps
pour découvrir en bordure
les ombres qui se profilent

J'ai mis tout ce temps
pour sentir qu'elles furent
au plus intime les plus secrètes
les plus aimées les plus vraies


J'ai mis tout ce temps
pour comprendre cette chose toute simple
qu'il n'y avait rien à comprendre

Simplement qu'aller son chemin
et si au passage un chien aboie
c'est dans son rôle que d'aboyer
comme au passant que de passer

J'ai mis tout ce temps
pour que l'aube soit belle
quand le soleil s'éteindra
aux rives du fleuve en un rêve de feu
loin là-bas vers l'Occident

J'ai mis tout ce temps
plaçant des mots sous mes pas
et le vent au passage les cueille
les mots du temps s'envolent
pour qu'il ne reste rien

Peut-être qu'un peu de cendre sur le chemin ...