dimanche 11 mars 2012

carnet 27

11.03.2012


     Ne vous dérangez pas


      je ne fais que passer



jeudi 8 mars 2012

réunion

    
     On ne l'avait jamais entendu dire non. Non, jamais. Dans une discussion, il se tenait à distance respectueuse. Il campait sur les marges, loin des turbulences. Loin des courants. Comme en réserve mais sur le qui-vive. Cette attitude lui était imputée généralement comme plutôt favorable. Il donnait le change. Un hôchement de tête, quelques mots à mi-voix avec ses voisins, un mouvement de la main. Histoire de montrer qu'il était bien là, présent, participant. Chacun ainsi interprétant ses silences dans le sens qui l' arrangeait, valable comme un accord tacite, sous-entendu, tombant sous le sens pour peu qu'une dose de crescendo vienne colorer la réunion et qu'on le vit sourire.

     Certains, cependant, considéraient cette attitude comme trop complaisante et ne ménageaient pas en sous main leurs critiques, taxant leur collègue de timidité ou de mollesse. D'autres, sans indulgence aucune, allant jusqu'à parler de servilité. Ces choses ne l'atteignaient pas et le laissaient de glace. Prendre parti lui semblait rogner sa part de liberté personnelle. Toute opinion en ces domaines lui paraissant abusivement tranchée et obéissant plutôt à des préférences de clans et de groupes d'influence ayant for peu à voir avec le problème de fond si toutefois il y en avait un. Tout manichéisme, pensait-il, ampute la réalité, escamote la diversité  et biaise la réalité. Toute affirmation et son contraire se révélant à la longue, comme également vrais. Il discernait trop vite sous l'échange, le parti-pris qui couvait sous le charme de la rhétorique. Toute conversation un peu longue lui tournait la tête et le faisait immédiatement entrer dans ses pensées personnelles, son monde à lui où il s'évadait un instant. Soutenir une controverse était hors de ses possibilités principalement lorsqu'elle s'éternisait ou tournait à l'aigre. Dans ce cas, il avait l'impression, se détachant immédiatement de la mêlée, d'assister de loin à une scène de théâtre où chacun se révélait sous un jour inattendu et le plus souvent cocasse. De participant, il devenait spectateur d'un jeu  d'où il se retirait en coulisse. Il restait dans l'expectative, une attente prudente et somme toute confortable où il se permettait de juger à part soi. Ainsi, aux yeux de certains paraissait-il comme l'indécision même, et incapable en maintes occasions de prendre parti. Mais s'il ne le faisait savoir, il exprimait ses choix lors du vote final sans avoir à proclamer urbi et orbi ses opinions sur toute chose et à tout propos. Une opinion, pensait-il, ne s'établit que sur du sable et  bien sots ceux qui n'en changeront pas. 

     Prudent jusque dans la discrétion, on pouvait se confier à lui. Mesuré en ses paroles jusqu'à la réserve , on avait généralement confiance en lui. Dire qu'il n'était d'aucun parti aurait été une absurdité. Il avait ses idées bien à lui mais il ne les exprimait jamais sans avoir pesé le pour et le contre. Aussi n'aimait-il pas les esprits bornés, tout d'un bloc et murés dans leurs convictions. Ce qu'il s'efforçait en fait, c'était de préserver son intimité, son moi intérieur, sa citadelle que personne jusqu'ici n'avait vraiment atteinte. Un excès d'égotisme, sans doute.

Aussi, dés la réunion terminée, la séance levée, ramassait-il prestement ses affaires quand il ne les avait pas déjà préparées d'avance sentant venir l'épuisement de la discussion et il se levait, se faufilait entre ses collègues, faisant quelques signes de têtes à l'un ou à l'autre, serrant une main par ci et par là, il prenait la poudre d'escampette, se découvrant soudain des impatiences dans les jambes et un besoin urgent de respirer l'air pur.


jeudi 1 mars 2012

carnet 27

Sursis

De surseoir lui-même de seoir
redeir, reder, seir, par le latin sedere
Plus de gambade : assis !
Pas debout, pas couché.  J'ai dit: Assis !

A se croiser les bras sinon les doigts
une maille à l'endroit une maille à l'envers
assis sur son séant, sis, sise, pour une séance.
Une grande ou petite béance en attendant le néant tout noir. Le trou.

Pouce, dites-vous, un petit délai encore, une remise de peine ...
Pourquoi pas
pendant que vous y êtes 
une séance de relaxation !

Allez, allez, on embarque de suite.
On liquide. Rien ne doit rester. Pressons.

Pas de sursis pour les canards boîteux
Et c'est parti
Le compte à rebours
Sans tambours ni trompettes

Les oiseaux se cachent bien pour mourir