jeudi 30 août 2012

( 39 )

2 juin


     Le lieu. Elle. Tout de suite, aperçue. Et le signe de connivence, aimantation, attraction, gravité.

     Il avait tout tenté, tout quitté aussitôt, insatisfait de toutes ses expériences, de toutes ses précédentes randonnées, inassouvi perpétuel pour en arriver là, à cette perfection, à cet absolu, cette déesse vivante aperçue. Suffisamment reconnue pour dire, pour croire et le répéter : elle existe. Comme si toute son histoire, dans cet aboutissement, n'avait été que dans ce perfectionnement gagné pas à pas, une sorte d'édulcoration, d'affinement, de simplification mathématique, un épurement, se terminant, parvenant au modèle même, l'archétype, la pierre philosophale en son état natif dans le creuset de son imagination. Oui, se disait-il, j'ai touché le ciel; ce que je désirais, je l'ai vu. Rien n'a été refusé à mon cœur, disait-il.

     " Comme un bonheur fou enchaîné au désespoir. " Marguerite Duras, La pluie d'été. 

     Comme un objet minutieusement et longuement poli,  qu'à la fin il ne reste plus rien, la moindre aspérité à adoucir, la moindre surface à modeler. Une gemme parfaite captant amoureusement la lumière.

      " Toi, il te quittera pas, même s'il te laisse, il ne te quittera pas..." Marguerite Duras, La pluie d'été. 

     Il pense soudain... Peut-on, sans le vouloir, inspirer du bonheur, donner de la joie ? Il pense encore : c'est un bonheur que cette rencontre. Ce bonheur existe. Il est en moi. Je le vis. J'en souffre.



mardi 28 août 2012

( 38 )

2 juin


      Il ne se souvenait plus. Ne savait dater le  commencement mais les circonstances resurgissaient à la demande, précises, crues. Mais le jour, le mois ? Était-ce avant ou après Noël ou les congés de fin d'année ? Février, peut-être. Plus sûrement - il y avait eu cette semaine d'absence déjà. Mais quand ? En amont, en aval ? Fallait-il en tenir le compte ? Tenir un carnet ?

samedi 25 août 2012

( 37 )

2 juin


     Soupçonne-t-elle qu'elle est pour moi toute la lumière du monde ?

     J'avais promis (promesse à moi faite !) de ne rien dire de tout ce temps d'absence. Et me voici venu dans le temps de l'impatience. Le temps de l'exigence.



jeudi 23 août 2012

( 36 )

2 juin


     Encore la voix railleuse : et si elle n'était qu'un signe, un " signe entr'aperçu dans la lumière et l'ombre " ?

     Tantôt l'on me donne la feuille et n'ai rien pour y tracer ne serait-ce qu'un signe, tantôt j'ai le crayon mais la feuille reste cachée, hors de portée. De ma portée. Et j'étends désespérément le bras, la main et les doigts  à la recherche de l'insaisissable, qui se referment sur l'absente.

mardi 21 août 2012

( 35 )

2 juin


     Sa vie, à elle, à quoi ressemble-t-elle ? Il n'en savait strictement rien. Je ne parle même pas de ce à quoi elle pense (lire dans la pensée d'autrui, le secret des secrets, inaccessibles !), non, simplement ce qu'elle fait en ce moment précis, ce qu'elle aime, qu'elle soit là ou ailleurs, pouvoir l'imaginer dans un cadre, participer à ses soucis, ses tentations, ses aspirations... 

     Elle semblait n'être que de passage, une voyageuse de commerce qu'on ne croise qu'une fois.



samedi 18 août 2012

( 34 )

1er juin


     Et voici qu'une voix s'insinue et se glisse en lui, susurrant l'idée perverse, l'idée inverse. Vrille, éclair qui porte en lui la flèche, la lance, le feu, qui en un seul instant brûle et déchire.



vendredi 17 août 2012

( 33 )

1er juin


     À le resouvenance, j'en suis, comme aurait dit Montaigne, tout attendresi.

     Il voudrait tout le week-end rester dans cette attention attendrie. Légère et bleue. Diaphane. Que voici un joli mot pense-t-il. Si transparent.

     Il voyait clair à nouveau. Les yeux dessillés. La décantation effectuée par le temps, durant ce temps d'absence, cette parenthèse qui allait  -  du moins, le croyait-il  -  se refermer. Un joli mot et juste. Et se dessinait en lui, devant lui  -  comment dire ? -  l'impalpable vision  -  la silhouette diaphane, le visage lumineux aimé.  



mercredi 15 août 2012

( 32 )

30 mai


     Son retour prévu, programmé comme celui d'une comète attendue. Joie prévisible, déjà sensible. Déjà le ciel s'illumine.

     Un diable dit : " Et si tu t'aies trompé en tes calculs ? "

     Et c'est la question, la seule !

     Je ne veux espérer autre chose jusqu'au terme fixé.

     Refuserais-je déjà le combat, me préparant au recueillement du silence, au repli, à la défaite, me glissant lentement dans l'habitude de l'absence ?

     Ce que je retiens, ce qui me restera : l'éclat du météore. L'émerveillement de la vision. Les yeux éblouis.




     

     

mardi 14 août 2012

( 31 )

30 mai


      Tout ce temps passé qui passe me fait me conforter et enrichir le besoin que j'ai de sa présence. Toujours plus. Ne trouvant rien à redire, à remontrer. Le temps affine, dépouille. Et ce qui reste est plus qu'au premier jour. L'admiration augmentée, sans défaut, sans borne. Illimitée. Infinie.

     " Il revoit, c'est au mots de revoir pour lui..." (Drame, de Sollers)




dimanche 12 août 2012

( 30 )

30 mai


     Difficulté, de toujours, de retrouver de mémoire, de me figurer, de me représenter son visage, ses traits. Sa silhouette, je la vois se dessiner, s'animer. Mais son visage se refuse, m'échappe, me fuit.

     Je tente aujourd'hui de n'attendre rien, ne pouvant attendre, ne devant attendre. Pari. Cette décision prise, je me sens moins amoindri, je m'évade, je m'éloigne, je prends l'air et, marchant, j'évoque sa silhouette, calme, posée, sûre d'elle (candide ?), un peu raide, fière et triste, craintive malgré sa solide apparence... Je rêve par les rues en sa compagnie...


jeudi 9 août 2012

( 29 )

30 mai


      Le même discours repris, ressassé, rapetassé sinon avec les mêmes mots, les mêmes phrases, du moins avec la même obsession, une intention, une tension maladroite et qui revient sans discontinuer, insidieuse, fiévreuse. Pierre sur lequel l'esprit bute. Le feu qui s'entretient, la flamme identique et qui toujours brûle. Me consume.

mercredi 8 août 2012

( 28 )

30 mai


     Encore quelques jours. Il se donne encore quelques jours. Maigre consolation!

     La véritable histoire, qui la racontera ? Qui la connaît ? Sinon à sa manière et qui n'est pas la mienne.

     Je ne bouge plus, dit-il. Prisonnier. Venant et revenant au même lieu. Attiré. Fasciné. Cristallisation. Appel. Rivé plus fermement que Prométhée à son rocher : lié à un lieu désormais désert. Désespérément. Ce lieu que je crois nôtre. Fidélité peut-être dérisoire : fidélité à un souvenir, à une ombre.



dimanche 5 août 2012

( 27 )

29 mai




     Mes calculs d'astronome seront-ils justes ? Retrouverais-je mon rêve égaré, ce rêve qui boude dans son coin, oui, mais lequel ? Je crois l'avoir déniché. Il me faut la patience pour l'atteindre. De l'attendre.


     Si nous nous retrouvons... Se revoir, dit-il, quand il pense seulement (ce qu'il demande. À qui ? ), souhaite, espère, que d'autre encore ? La voir. Seulement  l'apercevoir serait un bonheur. Oui, cela seul. Que mes yeux s'en inquiètent. 

samedi 4 août 2012

( 26 )

29 mai




     Crainte cependant  -  une larme d'inquiétude  -  d'avoir perdu quelque chose d'essentiel. La machine tourne encore mais l'âme en est fêlée : de temps à autre, l'oreille attentive surprend un soupir. Un soupir venu des profondeurs.


      Je ne sors plus, tout entier dans cette attente, à l'affût d'un téléphone. Une attente, une recherche comme un approfondissement. En chute libre.


     Je lis. " Où sommes-nous en dehors d'où nous sommes ? Je pense malgré tout que nous avons connu la rencontre que j'essaye d'inventer." Philippe Sollers, Drame.





jeudi 2 août 2012

( 25 )

29 mai




     Son absence confirme mon attente.


     Vérification de mes calculs.


     Probabilités. Décompte. Compte à rebours.


     Un chiffre manque.


     
     Oserais-je dire que pour prix de mes projets je n'ose plus sa venue avant ... Son absence inopinée, domestiquée, attendue ?




     Ne serais-je qu'un incorrigible optimiste ?