jeudi 14 avril 2016

Correspondances



« ... En réalité, tous les arbres sont des Cézanne, on devrait les appeler ainsi. Les pins, surtout ? Oui, mais aussi les autres. Leur façon d'éclairer l'espace où, la plupart du temps, nous n'entrons pas, que nous n'éprouvons pas. Si Proust, dans le Carnet de 1908 qui coagule en lui toute la Recherche du temps perdu, écrit : « Un clocher, s'il  est insaisissable pendant des jours, a plus de valeur qu'une théorie complète du monde », je l'approuve, je sens ce qu'il dit, mais je préfère me passer du mot « valeur » et remplacer, là encore, clocher par arbre, et me voici dans Cézanne, ce que va me confirmer une autre note: « Maman me donne la force de ne pas voir que par elle, car je sais que la mort n'est pas une absence et que la nature n'est pas anthropomorphique.» La mère de Cézanne, on doit s'en souvenir, l'a encouragé à peindre. Ce n'est pas rien. »

Philippe Sollers, Éloge de l'infini, Éditions Gallimard, 2001, p 23-24.