dimanche 19 avril 2015

les hauts lieux



    « Ici, c'est un haut lieu, vois-tu.

    - Qu'est-ce qu'un haut lieu ? lui dis-je.

    - Un haut lieu, dit-il, c'est un arpent de géographie fécondé par les larmes de l'Histoire, un morceau de territoire sacralisé par une geste, maudit par une tragédie, un terrain qui, par-delà les siècles, continue d'irradier l'écho des souffrances tues ou des gloires passées. C'est un paysage béni par les larmes et le sang. Tu te tiens devant et , soudain, tu éprouves une présence, un surgissement, la manifestation d'un je-ne-sais-quoi. C'est l'écho de l'Histoire, le rayonnement fossile d'un événement qui sourd du sol, comme une onde. Ici, il y a eu une telle intensité de tragédie en un si court épisode de temps que la géographie ne s'en est pas remise. Les arbres ont repoussé, mais la Terre, elle, continue à souffrir. Quand elle boit trop de sang, elle devient un haut lieu. Alors, il faut la regarder en silence car les fantômes la hantent. » 

Sylvain Pesson, Berezina, Éditions Guérin, 2015. Le cinquième jour. De Borissov à Vilnius, p 115

    C'est pourquoi les fantômes aiment le silence sur les lieux de mémoire.

5 commentaires:

  1. Un silence qui appelle le respect. Très bel extrait du texte de Sylvain Pesson.

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  2. Et certains, en passant ressentent ce silence peu ordinaire

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  3. Que dire après ce beau texte, que les hauts liens appellent au recueillement ...

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